Les coulisses du métier de secrétaire de mairie

Tel un miroir, notre miroir reflète la part intime et les secrets de chacun. AU détour d'une conversation, nous sommes ammené à découvrir des histoires sombres, mystérieuses, drôles, insolites.

Sandra me portait aujourd'hui ses papiers pour la préparation de son mariage. Nous pointons ensemble pour nous assurer qu'il y ait bien tout.

Quand au moment de pointer ses beaux-parents, Sandra me précise "Domicile inconnu". Or, je dois avoir cet élément pour faire mon acte. Sandra m'explique alors cette étonnante histoire : où ses beaux-parents ont abandonné leur fils lorsque il fut installé (profesionellement parlant) pour couper les ponts. Définitivement !

"Mon mari n'a pas vu ses parents depuis 1994 !"

Le choc ! Derrière une simple remarque, je reçois en pleine face une part de son intimité. Sandra se retrouve face à son miroir et me confie une histoire. Dans ses yeux, je comprend tout de suite qu'elle ne la raconte pas tous les jours. La douleur et l'incompréhensions se ressentent à chaque mot. Même par personne interposé ! J'écoute attentivement ! J'apprend l'enfance heureuse de Laurent, son promis, "très ordinaire" malgré "une mère étrange", me cite Sandra. Qui, elle même, n'a jamais donc rencontré ses beaux-parents.

J'esquise la question des recherches. "Nous avons essayé, mais ils ont tout fait pour brouiller les pistes. Il n'y a même pas d'oncle et de tante qui ferraient le lien". Sur le site des Pages Jaunes ?  - Naïf ! me répondent ses yeux bleus embrumés. Nous avions déjà essayé.

Une rencontre très marquante !

La poésie est le miroir brouillé de notre sociéété. Et chaque poète souffle sur ce miroir : son haleine différemment l'embue. (Aragon)

Au vu de notre taille, la fréquence de demande d'une Carte National d'Identité est établie à deux par semaine. C'est largement suffisant pour se roder aux nombreuses questions des citoyens lambda.

En effet, chaque demande s'accompagne des traditionnelles questions : "Qu'est-ce qu'il faut pour faire faire une carte d'identité ?", "Comment je fais vu que j'ai pas de justificatif de domicile à mon nom ?" ou encore "Est-ce que je l'aurais rapidement, je pars en voyage la semaine prochaine ?"

Dans tous les cas, nous répondons sereinement avec les mêmes réponses, tellement le système est rodé. En cas de gros doute, nous avons même un gros pavé d'instructions pour les cas particuliers innatendus (le demandeur a été amputé du doigt où l'on prend les empreintes, il est hermaphrodite...)

Une seule fois, une personne a réussi à me faire sortir de mes gonds. A tel point que je l'ai foutu dehors ! Pour le moment, je touche du bois, c'est la seule et unique fois où j'ai usé de violence à l'encontre d'un quidam. Voici les faits, tellement ils sont delectables :

Marinette vient en mairie, se présente au guichet et indique clairement qu'elle souhaite renouveler sa CNI. Je lui présente la liste des pièces à fournir, et nous pointons ensemble pour vérifier qu'il y a tout. pas de bol, il manque l'essentiel, l'ancienne carte d'identité.

Aussitôt, Marinette se mets sur la défensive "Ce n'est pas grave, il s'agit d'une vieille carte en carton. Elle est donc périmé !" Je suis obligé de lui faire la réponse suivante : "Désolé, Madame, il faut la joindre." Comme elle me précise l'avoir perdu, je lui indique que, dans ce cas là, elle devra revenir avec le timbre fiscal de 25 euros. Je lui propose aussi de faire une déclaration de perte. Tout à coup, c'est le drame.

Marinette se mets à exploser de colère ! Elle refuse de payer 25 euros vu que sa carte est périmée. J'insiste, j'explique de manière pédagogique. J'attend un minimum de compréhension de cette femme de 69 ans, retraitée de l'enseignement. Le manège dure trois-quatre minutes. Je lui donne alors la liste des pièces à fournir, afin qu'elle puisse revenir avec tout le nécessaire. Elle m'enjoint alors de téléphoner à la Préfecture, pour vérifier si j'ai raison ou tort. En une seule phrase, on me répond : "Pas de timbre, pas de carte !"

Les murs de la mairie en tremblent encore : Marinette m'hurle dessus, me traitant de menteur, car je n'ai pas posé la question voulue à la préfecture. Véxé comme un pou, je suis devenu tout rouge, je l'ai lapidé, lui soulignant qu'elle a espionné une conversation téléphonique, lui signalant qu'elle remettait en cause le bien fondé de mon travail. Tiens, dans les dents !

Finallement, comme elle insistait ; j'ai quitté mon bureau, je lui ai ouvert la porte, et l'ai dégagé direct.

Notre commune est dotée d'une agence postale communale. Ce service est entièrement municipal, puisque les locaux et l'employé est mis à disposition par la Mairie. La Poste nous règle une compensation sous forme de loyer ; et la Mairie maintient le service public postal sur la commune.

Mon problème, c'est la gestion d'Andrée, la fameuse "Andrée" qui tient la fonction de guichetière, donc employée territorial. Dans sa vie de tous les jours, Andrée est surtout commère. De niveau international.

Ainsi, très régulièrement, nous voyons certaines voitures - dont on identifie le propriétaire instantannément, passer du temps plus que l'usage le nécessite, dans le bureau de l'agence postale. Ca pourrait être amusant si Andrée ne passait pas tout ce temps avec les membres actifs de l'opposition à la municipalité. Et, depuis quelques mois, le traffic s'est intensifié au bureau de poste. Et ils semblent de plus en plus nombreux à tailler la bavette et le costard dans le bureau de poste.

Andrée déroge à son devoir de réserve et son devoir de fidélité. Le pire, c'est que nous n'arrivns pas à la prendre la main dans le sac, malgré les nombreux témoignages qui nous remontent aux oreilles.

Il passe la portea vec perte et fracas. Au son de sa voix, je le reconnais. C'est Michel, le commercial d'une importante entreprise de fourniture de bureau et d'imprimé pour les collectivités.

Deux fois par an, à date variable, il vient faire le point sur nos besoins, les produits que nous commandons. Mais ces derniers temps, Michel est un peu en froid avec moi. Il a sans doute vu sur sa feuille de stats que nos commandes sont en chute libre. Normal, nous avons diversifié nos fournisseurs.

Aujourd'hui, Michel vient pour une raison précise. Depuis quelques mois, la Préfecture a transmis une circulaire nous indiquant un profond changement dans la méthode de conservation des délibérations. Dorénavant, nous ne devons plus coller nos feuilles dans un registre vierge, mais les conserver sur des feuilles individuelles. Voici la circulaire :

http://www.pas-de-calais.pref.gouv.fr/espace_collectivites/bo/documents/DCL%20-%2010.07.29%20-%20Tenue%20des%20registres%20des%20deliberations%20..pdf

Michel tente pour la troisième fois de me convaincre qu'il faut acheter ses produits supers chers qui sont aux normes. Il explique que ses spécialistes ont bien lu les textes des lois, qu'il faut un papier spécifique, des tampons spécifiques, et surtout, un registre spécial avant le travail de reliure, auquel nous devrons procéder chaque année.

Il s'agit évidemment d'un phénomène de vente forcé. Un bête classeur avec des pochettes transparantes suffit amplement. Mais de nombreuses petites mairies, par manque de temps ou d'attention, vont investir dans des objets inutiles et chers.

C'est l'un des aspects du métier les plus innatendus et les plus désagréables. Virer les commerciaux qui font du porte à porte. Sauf que l'on ne peut pas mettre le pied dans l'entrebaillement de la porte.

Pourquoi un blog !

Depuis quelques temps, j'y pensais. Raconter son quotidien, faire partager ses emotions : j'avais envie de garder une trace originale de mon vécu.

Jeune secrétaire de mairie d'une petite commune rurale, je découvre chaque jour les différentes facettes de mon métier. Au départ ,il y a le voeu pieu. Travailler aux côtés des élu, être force de proposition, être à disposition des citoyens... La réalité est à peine différente, mais si innatendu.

Sous le ton de l"humour, de la curiosité aussi, je compte bien vous faire partager les coulisses du métier de secrétaire de mairie.